Une question sur le parage naturel ? Lettre ouverte

"Bonjour,
j'ai eu votre adresse sur le site d'Equi-libre, parmi les personnes ayant fait un stage chez Pierre Enoff. Ayant été très séduite par son approche, je me pose des questions sur la faisabilité de garder des chevaux pieds nus dans les conditions dans lesquelles nous les gardons généralement. La mienne est au pré, mais ne marche pas assez pour s'entretenir les pieds. Il est bien sûr possible de les parer, mais c'est la résistance du pied qui fait défaut: il ne "s'endurcit" pas. Et je me demandais finalement comment les anciens stagiaires de Pierre Enoff s'étaient débrouillés avec leurs chevaux: les ont-ils gardés pieds nus et si c'est le cas, quels problèmes ont-ils rencontrés ? Comment s'arrangent-ils pour que leurs chevaux marchent suffisamment ? Ont-ils cessé de leur donner des grains ou des granulés ?
Finalement, j'aimerais en apprendre plus sur les suites qu'on peut apporter au stage, auprès des anciens stagiaires de Pierre...
En espérant que vous prendrez le temps de m'envoyer quelques mots sur votre expérience personnelle, cordialement, Marie-Line"

Chère Marie-Line,
Je pratique le parage naturel depuis bientôt cinq ans et ai essayé différentes méthodes (Strasser, J. Jackson, P. Ramey...), sur une trentaine de chevaux durant une année au Québec et sur nos chevaux en Belgique depuis mon retour en 2007. Je n'étais pas entièrement satisfait, c'est pour cette raison que je me suis rendu chez Pierre en août dernier. J'étais assez septique car je pensais avoir fait le tour de la question et que finalement le parage naturel présentait des inconvénients avec lesquels il fallait composer. En effet, mes chevaux restaient sensibles et les grands effets magiques décrits sur les sites Internet, dans les livres et les DVD mettaient du temps à se concrétiser!
Chez Pierre, je me suis rendu compte que je faisais certaines erreurs d'appréciation, que je mettais de l'importance sur des points inintéressants et que je n'en mettais pas là où il aurait fallu...

Ce que j'ai appris chez Pierre Enoff :
  1. Les chevaux pieds nus regardent où ils marchent, sont calmes, ne précipitent pas, ne sont pas stressés ; leurs pieds ont de la sensibilité, ils sentent le terrain et donc choisissent leur chemin ; je croyais qu'un cheval paré naturel aurait le pied aussi insensible qu'un cheval ferré, je n'avais pas perçu que le cheval ferré ne sens plus ses pieds! C'est un point très important pour la sécurité du cheval et du cavalier. De plus, les chevaux ferrés ont mal au dos, cherchent à se soustraire à la douleur donc, marchent de travers et précipitent pour mettre fin le plus vite possible à leur inconfort. Cela, les rend inconfortables et stressants.
  2. Les chevaux chez Pierre sont également calmes car ils vivent en troupeau, ne reçoivent ni grain ni nourriture industrielle ni médicaments, sont dehors toute l'année, ont accès à une nourriture variée, végétale, pauvre mais abondante en cellulose.
  3. Ses chevaux, sont débourrés vers 10a et travaillent jusqu'à plus de 30a et sont ensuite retraités. Fait remarquable et probant car ces animaux restent en très bonne condition.
En ce qui concerne le sabot en particulier :
  1. Le cheval n'est pas un ongulé, il marche sur son doigt et pas sur son ongle. La boîte cornée ne porte pas le poids du cheval, elle est un pare-choc qui protège l'intérieur du pied. Ce fait est très important car il conditionne toute la vision que l'on peut avoir du parage. En effet, le seul but du parage est, dès lors, d'empêcher la muraille de venir au contact du sol en premier lieu. Le premier contact devant se faire par les glomes, fourchette et talons. La pince vient ensuite, elle a un rôle tactile et directionnel comme les orteils chez l'humain. Seuls les chevaux ferrés depuis un certain temps posent la pince avant les talons. De plus, le fer fait porter le poids du cheval par la boîte cornée et met la fourchette et les glomes hors service modifiant complètement les fonctions naturelles et la structure du pied.
  2. L'hygiène du pied est fondamentale car les bactéries anaérobies qui se développent dans les partie noires et pourries, comme dans un décollement de la ligne blanche, migrent dans l'organisme du cheval et affectent sa santé en général et son immunité. Le parage sert aussi à rechercher ces foyers infectieux et à les éliminer. Le vinaigre de cidre est utilisé avec succès.
  3. La hauteur des talons n'est pas aussi déterminantes qu'on le pense généralement, le cheval régule très vite les différences par l'usure sur des terrains abrasifs (route = râpe horizontale). Une bien trop grande importance est donnée à la boîte cornée qui finalement n'est pas l'élément clé de la locomotion du cheval. Le soin qu'on y apporte en général n'est qu'esthétique et fait se porter le regard du client au mauvais endroit.
Ce que je fais en plus depuis le stage chez Pierre :
  1. Je taille les pieds des chevaux plus court, avec moins de talons et en creusant les foyers infectieux désinfectés au vinaigre de cidre non pasteurisé
  2. Les chevaux ne rentrent plus au box en hiver et sont en troupeau ; avant ils rentraient la nuit en plein hiver.
  3. Les prairies sont clôturées en couloir de manière à faire marcher les chevaux et à limiter la consommation d'herbe (les prairies sont bio, enrichies aux algues calcaires et compost de fumier de cheval) et servent au foin pour la plus grande partie qui n'est pas pâturée.
  4. Les chevaux sont nourris uniquement avec un peu d'herbe et du foin de prairie maigre (le plus gros problème des chevaux est l'obésité et c'est la raison pour laquelle leurs pieds sont sensibles malgré un bon parage naturel!) Ils reçoivent uniquement un tout petit picotin au cœur de l'hiver et tôt au printemps composé de graines germées d'épeautre bio non-décortiqué, lin, tournesol + en cure algue Kombu en poudre, orties séchées, pommes de variétés anciennes ou fleur de sel... voir plus loin sur le blog.
  5. J'utilise une bride sans mors pour une équitation essentiellement d'extérieur
Conclusion : Je suis convaincu aujourd'hui que la plupart des problèmes équestres et équins proviennent du ferrage, de la nourriture, des boxes, des médicaments, du matériel utilisé. Bref, du mode de vie que nous imposons aux chevaux sans comprendre ce que nous faisons!
Le parage naturel, la vie en troupeau, la nourriture pauvre mais variée et abondante, l'exercice physique doux, le matériel physiologique approprié et non coercitif sont les points incontournables et indissociables pour une relation homme cheval harmonieuse et positive qui en vaille vraiment la peine.
N'hésitez pas à appeler si vous souhaitez approfondir certains points.
Bien à vous,
Pol